lundi 31 juillet 2017

6 jours plus tard...El Continente!

Nav retour Açores - La Corogne :    du mardi 25 juillet au lundi 31 juillet 2017

mardi 25 juillet :
Il est 13h30. Nous sommes prêts. Les Au Revoirs sont rapides avec W4L car nous nous retrouvons à La Corogne. Enfin j’espère… Je me dis que peut-être Nico changera d’avis en fonction de la météo. Je me dis que peut-être c’est mieux ainsi… Cela évitera des larmes et déchirements car cela va m’arracher le coeur de leur dire au revoir . Bien sûr nous nous reverrons à terre mais plus sur l’eau , plus comme avant, plus dans les mêmes conditions.   Ce au revoir signe aussi et surtout la fin de ce voyage. Il y a un mois j’étais contente de rentrer, de quitter le bateau et l’ambiance salée mais maintenant c’est différent… Je me verrais bien continuer cette vie de liberté. Les navigations ne sont pas la partie que je préfère mais par contre vivre libre sans contrainte ( ou seulement celles que nous avons choisies), vivre de découvertes, vivre à son rythme et bien finalement on y prend goût. Il faut que je m’accroche à ce qu’il me tarde de retrouver mais franchement à part la famille et les amis … pas grand chose.  Je recommencerai bien une autre boucle  (avec un lave linge et un dessalinisateur qui me donne 100l par jour!) mais elle ne serait pas aussi belle que la première, c’est sûr. Il n’y aurait pas cette part d’inconnu qui rend le voyage unique. C’est la première fois qui compte ! 
C’est pourquoi au lieu de faire cap au sud vers Madère nous maintenons notre cap vers La Corogne et le continent qui nous attend.
    Cette première journée de nav commence pour moi évidemment par une sieste. Il fait beau, un petit vent (10Nds ) nous pousse gentiment. Les enfants ont installé le gennaker avec Cédric. Je me réveille pour préparer un apéro rapide et des hamburgers-frites avant de retourner me coucher. J’essaie d’accumuler des heures de sommeil avant les quarts de nuit. En plus une horrible migraine me poignarde la tête. Cédric fait un mémory avec les enfants. Ils sont incollables en cétacés en tous genres (qui se ressemblent tous…) et en dauphins au nom latin et battent leur père à plate couture. Sympa ce nouveau mémory mais un peu dur ! 
    Nous avons décidé de mettre les enfants à contribution pour les quarts cette semaine. Je réveille donc Oscar à 5h30 pour qu’il prenne le sien, seul, car son frère n’arrive pas à se réveiller. Victor grogne et me referme la porte au nez. C’est donc Oscar qui assure tout , tout seul, jusqu’à 10h30 pendant que Cédric et moi dormons à poings fermés. Il a pu échanger quelques mots avec Yanic à la VHF , mis à contribution aussi sur W4L. Ils ont été les capitaines des bateaux pendant quelques heures. Bravo les gars!










mercredi 26 juillet
   Nous avons toujours les W4L en visu et à la VHF. Nous faisons route ensemble et c’est bien agréable d’échanger quelques mots. Les sujets de conversation sont toujours les mêmes  : le cap, le vent, le réglage des voiles, moteur? pas moteur? on empanne? et les repas! Ça fait du bien de les savoir à coté. Les enfants mettent de la musique et partagent leur chansons préférées avec Yanic et Lola. L’ambiance est à la fête sur Talitha. Un crumble qui cuit dans le four pour le goûter diffuse une bonne odeur de pomme chaude sur le bateau. La journée s’écoule tranquillement entre lecture, parties de mémory et écrans. Victor préférait quand il faisait du Cned. Il s’ennuyait moins. Les enfants sont pleins de contradictions !!!! Mais c’est vrai qu’en nav le CNED ça occupe bien et comme il n’y a pas grand chose à faire les journées passent alors plus vite. Une touche à la canne à pêche anime un peu la journée. Mais malheureusement le poisson se détache. Victor l’a vu sauter  : peut-être un thon ou un  gros maquereau de 60 cm.
    Ce soir Victor, toujours motivé pour faire des quarts, décide de prendre le premier de 9h à minuit ce qui lui évitera de se réveiller, chose assez difficile pour lui. Très bien! 
N’entendant plus rien depuis un petit moment, je me lève peu après minuit. Et sans surprise je trouve Victor , allongé dans le carré, qui dort comme une marmotte! Il a éteint son réveil et se rappelle avoir fait sa dernière veille vers 10h… Deux heures que Talitha navigue paisiblement sans surveillance! Merci l’AIS et son alarme … Cédric prend alors le relais jusqu’à six heures. Je me réveille à nouveau et constate que la sonnerie est éteinte et réglée sur 1h17 au lieu de 17 minutes! Mais à qui ressemble donc Victor?







jeudi 27 juillet
   Le vent est au rendez vous . Un petit 18 Nds  nous pousse à une bonne allure  de 8 Nds avec le génois tangonné et la trinquette en ciseau. Par contre il pleut. Ça me mine un peu. J’angoisse un peu à l’idée d’être enfermée toute la journée dans le bateau sous la pluie. Cédric a du mal à comprendre. Lui au contraire, est super content, le bateau avance, le vent souffle et il ne voit personne. Pour l’aider à comprendre ce que ressent, je lui dis :  - « c’est oppressant! Un peu comme si tu devais rester dans un bain chaud (en référence aux bains d’eaux chaudes à Sao Miguel) au milieu de plein de monde, tu étouffes … et bien moi c’est pareil je me sens étouffer , à l’étroit. » 
Il comprend et rajoute : - "Ah oui! comme si je devais rester dans un magasin de chaussures toute la journée!    -Oui, oui c’est ça!!!"
J’ai besoin de m’occuper et de m’habituer à ne rien faire. Pas facile…Il faut remplir ses journées de lectures, de siestes, de cuisine, de vaisselles… Ne rien faire. J’en rêvai dans ma vie active trépidante ! Et bien là ça m’angoisse… Je me réfugie dans l’écriture de mon blog, réfléchis au prochain repas. Il est 8h14. La journée va être longue…
    Plus de W4L à portée VHF et AIS. Nous communiquons pas SMS iridium. Un SMS de Génésis parti dimanche de Terceira nous sort de notre torpeur. Clairement on se fait gravement chi..r! Mon Dieu que c’est long…. Les enfants ont regardé deux fois Brice de Nice 3. J’ai fait un pot au feu en pelant le plus lentement possible les légumes pour que cela m’occupe longtemps…longtemps… La pluie a cessé de tomber mais le ciel est toujours gris. En plus les sièges extérieurs sont mouillés. Je suis obligée de m’assoir dehors à même le teck : j’ai mal aux fesses…Mais on avance bien c’est toujours ça. Ça fait longtemps que Talitha n’a pas eu autant de vent : il se régale!





vendredi 28 juillet
   Victor a persévéré et ses efforts ont été concluants. Il a fait son quart de 9h à minuit en regardant des films. Nous sommes au moteur car le vent est tombé. Nous sommes donc partis nous coucher Cédric et moi ensemble. C’est assez rare en nav  pour le noter. Cédric prend le relais. Je me lève vers 3h pour un petit pipi et je vois Cédric éteindre sa minuterie machinalement sans se réveiller. Ça me rappelle un peu nos réveils du matin pour aller travailler… Il lui faut bien deux réveils et trois voire quatre sonneries  pour le tirer hors du lit! Je prends le relais sans le réveiller jusqu’à 6h30 tout en continuant ma série commencée hier. Le jour se lève. Le temps est encore couvert et légèrement humide. Cela fait l’effet d’un brumisateur sur le visage ce qui n’est pas forcement désagréable. 
   À mon réveil vers 10h30, Cédric a entrepris son nouveau plat préféré : petites patates en fines rondelles avec oeufs et jambon. C’est parti pour 5 assiettes. Nous avançons nos montres d’une heure. La journée semble passer plus vite aujourd’hui. La nav est assez facile. Le vent s’est relevé et le moteur coupé. La houle n’est pas trop grosse (1m50-2 m). En fin de journée, les enfants sont un peu énervés, sûrement d’avoir trop fait d’écrans. Douche chaude dans le bateau pour tout le monde, parties de mémory, un coup de fil à nos parents et W4L avec le téléphone satellite et tout redevient calme avant de se régaler de bonnes pâtes bolo, un classique en nav! Nous avons fait ce soir la moitié de notre route soit 400 Mn. Oscar profite d'un moment pour me faire réviser les noeuds... 
     Comme cela fonctionne, Victor prend son quart à 10h. C’est bon de pouvoir compter sur eux. 
    Ne voyant pas Cédric dans le bateau, je demande à Oscar de vérifier où est son papa. Dehors rien, dans les toilettes non plus. Merde! Je saute de la couchette et me précipite dehors. Je ne le vois pas à l’avant du bateau où il a l’habitude de venir s’isoler. Prise de panique, je hurle son prénom me sentant seule à bord et le pensant à l’eau. Une réponse arrive en écho. Cédric est là, sur le coté, caché par la capote en train de surveiller assis la chute du génois. Je rentre me remettre dans ma cabine en tremblant de peur et de froid (car j’étais quand même en culotte dehors…) J’ai eu vraiment très peur et Cédric qui l’a senti à mon cri vient me rassurer. Il vient dormir et je me blottis contre lui.  








samedi 29 juillet
Vers 1h du matin, Victor est toujours de quart. Le vent monte. Le bateau part au lof. Nous sommes surtoilés. Nous nous levons Cédric et moi pour prendre un ris pendant que Victor se couche. Ça faisait longtemps que nous n’avions pas manoeuvré de nuit. Cette nav est pour le moment beaucoup plus facile que la transat aller : pas de houle, pas de grains , pas de manoeuvres de prise et de largage de ris de jour comme de nuit, pas de coup de vent, pas même de cargos à surveiller. Le bateau file tout droit à une bonne allure de 7,5 Nds en surfant parfois à 14Nds!  Talitha est content et Cédric aussi. Moi je trouve cette nav beaucoup mois difficile et beaucoup moins fatiguante. Mais du coup ça parait un peu plus longuet…
Cédric me réveille vers 6h30 pour empanner. Oscar dort profondément. Il voulait faire un quart mais je vais quand même en faire un et le laisser dormir! Je suis une bonne mère quand même ! 
Il fait beau ce matin : un grand ciel bleu apparait peu à peu avec le lever du jour. La houle est un peu plus importante, un bon 2m50 à 3m et cela secoue un petit peu plus. Tout le monde dort sur Talitha. J’en profite pour écrire un peu, prendre mon petit déjeuner seule dans ma boite à sardines posée au milieu de nulle part entre les Açores et l’Espagne. Il n’y a rien autour de moi, rien à part de l’eau et le soleil qui monte petit à petit. Je prends mon thé et mes tartines au bord de ma piscine!
Dans la matinée, à peine le ris largué que le temps se couvre. Le vent monte. Tiens un grain! Il faut donc reprendre ce fichu ris. Ce matin ça manoeuvre…
L’après midi, le soleil est revenu. Lecture et sieste pour tout le monde. Au bout de la canne à pêche aujourd’hui ce sera une mouette! Encore raté! 
    Le soir, les enfants font le premier quart en regardant Le corniaud. Antoine aussi veut faire un quart, enfin il veut surtout regarder le film. Cédric ne dort que d’un oeil car il surveille un cargo qui passera devant nous. Oscar le réveillera  car dixit «  devant ça fait peur! ». En effet il est passé très près. 
Je prends mon quart à 3h. Talitha file à 9 Nds  et parfois plus … Quand c’est moi qui suis de quart ça se sent !!!! Cédric se réveille. Le vent est tombé. Nous profitons ensemble du lever du soleil.














dimanche 30 juillet
Matinée un peu mollassonne pour moi. Nous déjeunons tous les deux en tête à tête devant la fameuse « assiette » fétiche que Cédric nous a cuisinée. Les enfants ne se réveilleront que vers 10h. Je prépare des chèvres-chauds  avec un bon fromage des Açores pendant que Cédric se fait une petite matinée bricolage : graissage de la pompe des toilettes, gestion d’un souci d’évacuation d’eau de douche, changement de poulies (je ne sais pas trop lesquelles ni pourquoi…). Il y a toujours quelque chose à faire sur un bateau et ça je crois que ça ne va pas lui manquer.
Après-midi grosse sieste pour Cédric. Les enfants s’occupent  et moi je continue cette série qui me confirme que je ne suis pas faite pour ça… Pourtant je persiste , agacée de ne pas connaître le dénouement assez vite. Promis après j’arrête!
Les enfants m’arrachent à  mon écran : un hélicoptère militaire vient faire le tour de Talitha. Il vole tout près de nous et descend suffisamment pour que nous voyons les deux hommes à la porte de l’hélico prêts à sauter. Incroyable, on a l’impression qu’ils vont venir sur le bateau. Au loin un bâtiment militaire passe sans être repérable à l’AIS. On se croirait un instant dans un James Bond avec Daniel Craig qui va apparaitre sous nos yeux. Bon en fait non ! L’hélico, après avoir fait son tour de reconnaissance et n’ayant vu qu’une mère de famille avec trois enfants curieux, file à l’ouest. Peut-être va-t-il « espionner » W4L qui est à 45Mn derrière nous? Curieux …
   Le soir nous nous amusons à regarder passer tout près de nous un énorme cargo de 250 m. Pour le plus grand plaisir des enfants, il passe juste juste devant Talitha. Le soleil se couche en nous offrant un beau spectacle coloré mariant les oranges et les roses. C’est sûrement un des derniers couchers de soleil en navigation. Nous profitons...
























 lundi 31 juillet 
    Le quart de Cédric s’est résumé  à surveiller les cargos qui passent sur le rail que nous traversons, le mien à surveiller les bateaux de pche près des côtes illuminées d’Espagne. Cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas été aussi vigilants. Les navigations près des côtes européennes sont bien plus fatigantes. Nous n’avons pas fait de siestes et la veille était attentive. Mais nous y sommes  : arrivée prévue vers midi à La Corogne. W4L arrivera ce soir peut-être à temps pour déguster quelques tapas en ville autour d’une bonne cerveza. Nous étions ici-même le 31 août 2016 : retour sur le continent!

     Aujourd’hui, cela fait un an que nous sommes partis de chez nous. Nous venions de laisser nos deux voitures, nos clés de maison, de cabinets et de voitures et nous montions dans un train pour La Rochelle pour rejoindre ce qui allait être notre cocon pendant un an. Nous n’avions « plus rien » que nos valises et notre bateau et l’année devant nous… Que de milles parcourus ! Je me souviens de ce moment où je me demandais si ce que nous faisions avait du sens, si j’allais y arriver, si tout se passerait bien. Je me souviens du moment où nous avons franchi les passes en laissant derrière nous un Sun 2000, un Saxo vert et un chaland… Nous nous sommes demandés ce que nous faisions et vers où nous allions. Que de doutes, que de craintes, que d’incertitudes… mais l’envie de partir quand même. Aujourd’hui, la boucle est en train de se boucler et c’est avec beaucoup d’émotion que nous repasserons ces passes d’ici quelques jours. Cela voudra dire que c’est  fini, c’est évident, mais cela voudra dire que nous avons réussi , que nous l’avons fait et que nous sommes heureux de ça. Est-ce-qu’il me tarde? Je ne sais pas… Je n’ai peut-être pas envie que le rêve s’arrête, maintenant que j’ai oublié les quelques moments de « petits cauchemars »! (surmontables, quand même, les cauchemars!) Nous sommes heureux d’avoir eu cette « chance » même si je n’aime pas ce mot (la chance c’est quand on gagne à la loterie , ça fait intervenir le hasard) 

Audaces fortuna juvat ! : la chance sourit à ceux qui osent!
(Asterix, Le Bouclier arverne p15)









2 commentaires:

  1. Nous nous sommes sur le continent mais avec ce vibrant et émouvant récit accompagné de merveilleuses photos nous avons un peu naviguer avec vous
    Bravo pour votre aventure....
    Nous sommes dans l'attente de nouvelles écritures pour terminer le livre
    Bises à vous tous

    RépondreSupprimer
  2. C'est poignant de te lire ! Ça reste une aventure formidable et inoubliable, que vous nous avez fait partager (merci de nous avoir fait voyager) et que vous vous remémorerez avec plaisir!! Et puis d’ailleurs, même si c'est la fin, ce n'est pas fini. Donc profitez un maximum de l'instant présent! A bientôt..

    RépondreSupprimer